La piste Oubliée d'Otto Warburg

Les chercheurs reconnaissent actuellement que le ciblage précis des mutations du gène du cancer ne donne pas les résultats espérés et attendus., 

Non seulement les mutations sont remarquablement diverses, et différentes entre les individus et entre les secteurs au sein d’une seule tumeur, mais les cellules cancéreuses deviennent vite résistantes à de nouveaux médicaments. 

 

L’autre approche pour la thérapie des cancers consiste à cibler la caractéristique la plus générale des cellules cancéreuses et des tumeurs, qui sont distinctes des cellules normales, et cette approche est en train de devenir plus crédible et populaire. Les cellules cancéreuses ont généralement un métabolisme énergétique anormal, qui a poussé certains chercheurs à suggérer que le cancer est avant tout une maladie métabolique.

 

Sucre, inflammation & Cancer

C’est le sucre (glucose) qui fournit l’énergie nécessaire à chaque cellule de l’organisme. Le sucre semble donc essentiel au bon fonctionnement du corps.

Cette constatation est valable lorsque tout fonctionne correctement.

 

Mais qu'en est-il lorsque quelque chose "cloche" ?

La consommation de sucre aurait-elle un lien avec la formation de tumeurs cancéreuses ?

Une étude de Lewis Cantley soumise à la prestigieuse Université Havard a démontré, au début des années 90, l’impact du glucose sur certaines cellules cancéreuses.

 

Il est à noter également que le "PET scan" (TEP en français), détecte la présence d'un cancer, en mesurant les régions de notre organisme qui consomment le plus de glucose. Le cancer semble donc se nourrir de sucre. 

Mais le glucose favoriserait-il aussi la formation des tumeurs cancéreuses ?

 

 

 

Une étude d'une équipe américaine de l’Université du Texas MD Anderson Cancer Center, établit de façon certaine qu'il existe bien un lien entre la consommation de sucre, notamment le saccharose et le fructose utilisé dans les aliments industriels, et le cancer :  ils ont identifié avec précision le mécanisme, une production d'enzyme12-LOX (12-lipoxygénase) et d’acide gras 12-HETE , qui seraient en cause dans le processus de croissance tumorale mammaire sur des rongeurs.

Cette voie pourrait, selon les auteurs, favoriser l’inflammation des tumeurs et par conséquent leur croissance.

 

Bien sûr le sucre blanc (ou roux d'ailleurs) est le premier sucre auquel l'on pense. Les bonbons et le chocolat.

Mais il faut y ajouter les pâtes, pommes de terre, céréales, etc... Et le sucre est aussi présent dans les sodas.

 

 

Mais quid du fructose naturel contenu dans les fruits et les légumes ? Aucune réponse pour l'instant. Tout ce que l'on peut dire c'est qu'une recherche (revue médicale Cancer Research) démontre que les différents sucres sont métabolisés selon des voies métaboliques distinctes et que cela a des conséquences majeures sur l’approvisionnement en nourriture des cellules cancéreuses et sur leur prolifération.

La réalité pourrait cependant être plus nuancée.

 

 

En effet, s'il est exact que les cellules tumorales ne réagissent pas de la même manière que les cellules saines avec le glucose, cela pourrait être un des effets du cancer et non sa cause : les cellules cancéreuses ne métabolisent plus le glucose correctement.

Régime cétogène à base de "gras" : une nouvelle mode ?
Régime cétogène à base de "gras" : une nouvelle mode ?

Et la cause du cancer serait donc plutôt d'ordre métabolique : un dysfonctionnement de la cellule qui aurait alors besoin de beaucoup plus de sucre pour pouvoir fournir de l'énergie. 

 

Du coup la solution semble simple. Simpliste je dirais : affamer les cellules cancéreuses en ne consommant plus de glucose (régime cétogène par exemple).

 

Mais qu'en est-t-il alors des autres cellules saines du corps ?

Et les cellules cancéreuses ne vont-elles pas trouver un autre moyen de se fournir en sucre ?

 

 

Prudence donc dans l'interprétation de ces données.

 De toute façon, même si le lien entre cancer et consommation de sucre n’est pas encore établi de façon certaine, on peut recommander de limiter sa consommation.

 

Métabolisme & mitochondries en panne

Otto Warburg, prix Nobel de médecine en 1931. © Nobelprize.org
Otto Warburg, prix Nobel de médecine en 1931. © Nobelprize.org

Le métabolisme énergétique des cellules cancéreuses a été découvert dès 1920, par le physiologiste allemand Otto Heinrich Warburg .

 

En effet, les cellules normales obtiennent de l’énergie en dégradant la molécule de glucose pour donner du  pyruvate dans une série de réactions appelée glycolyse.

 

Ce que découvre Otto Warburg, et que l’on appelle aujourd’hui l’effet Warburg, est que les cellules cancéreuses fermentent au lieu de "brûler" ou de "respirer".

 

Et pour ce faire, comme les levures privées d’oxygène, elles captent du sucre et prolifèrent.

Mais, à la différence des levures qui cessent de se multiplier en présence d’oxygène, la cellule cancéreuse continue à fermenter même en présence d’oxygène (glycolyse aérobie). 

 

La glycolyse aérobie

Ce phénomène de glycolyse aérobie a amené Warburg à proposer que le dysfonctionnement mitochondrial (les mitochondries produisent près de 90% de l'énergie cellulaire) était la principale cause de cancer. 

 

La glycolyse aérobie comporte une absorption élevée de glucose, même en présence d’oxygène, ainsi qu'une production de lactate (sous-produit du pyruvate).

 La prolifération cellulaire qui est intense dans les cellules cancéreuses est très consommatrice en énergie. Ces cellules compensent le mauvais rendement énergétique de la fermentation en augmentant considérablement l'entrée de glucose dans la cellule.

La consommation en glucose des cellules cancéreuses est donc forte.

 

Le cancer est une maladie de la digestion cellulaire et, plus précisément, de la digestion du sucre. Cette piste a été longtemps oubliée.

 

 

La lipogénèse

Les lipides sont des constituants majeurs de nos cellules : la membrane plasmique est composée de phospholipides, tout comme les membranes présentes à l'intérieur des cellules. En situation normale, les lipides apportés par notre alimentation suffisent aux besoins journaliers de nos cellules.

Mais, pour proliférer, les cellules ont besoin de produire une grande quantité de phospholipides pour construire les membranes des cellules filles.

Par conséquent, les cellules cancéreuses produisent une part importante des lipides dont elles ont besoin pour fabriquer les membranes : la synthèse des lipides s'appelle la lipogenèse. Les enzymes qui sont chargées de synthétiser les lipides de la cellule sont surexprimées dans les cellules cancéreuses, en particulier l'acide gras synthase qui participe à la synthèse des phospholipides de la cellule. La surexpression de cette enzyme est retrouvée dans la plupart des cancers, y compris dans les stades précoces de l'oncogenèse, ce qui suggère que la suractivation de la lipogenèse est essentielle à la progression tumorale.

 (Sources : Dr Mae-Wan Ho - 2012, Dr Laurent Schwartz  2016 -Grégory Ségala 28/08/2015  Futura Santé)

 

 

 

En 2012, des chercheurs japonais dirigés par le professeur Tatsushi Igaki, de l'Université de Kobe, ont élucidé un mécanisme cellulaire fondamental qui transforme les tumeurs bénignes en tumeurs malignes.

Ils ont pu notamment observer une diminution du rendement des mitochondries, et ont pu montrer que la baisse de l'activité mitochondriale associée à l'activation du gène oncogène RAS provoquait un stress cellulaire qui se transmettait aux cellules voisines par la production de cytokines inflammatoires et de facteurs de croissance. Sous l'effet de ces mécanismes, les cellules périphériques se transforment alors en cellules cancéreuses.

(Sources  Mark FURNESS pour RTFlash)

 

 

La grande différence entre une cellule cancéreuse et une cellule normale dépend donc du bon ou du mauvais fonctionnement de la mitochondrie.

Dérégulation du métabolisme énergétique dans les cellules cancéreuses. © Grégory Ségala (http://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/medecine-cancer-mecanismes-biologiques-1453/page/12/)
Dérégulation du métabolisme énergétique dans les cellules cancéreuses. © Grégory Ségala (http://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/medecine-cancer-mecanismes-biologiques-1453/page/12/)

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