Ultime Péage

Le Pot-Au-Noir

Il est des lieux où le temps se coagule, où les horizons se confondent entre ciel, terre et océan, un lieu où les forces s'épuisent à rester immobiles dans une attente dont on ne sait quand elle se terminera.

 

Au large des Territoires du Crabe, ceinturant cette île sinistre, existe un tel lieu.

 

Nulle carte, nul récit, ne le mentionne. 

 

On croit pouvoir échapper de ces terres où sévissent les Phacochères Noirs, les Fennecs Rouges, les rayons mortifères et les sabres aiguisés comme rasoirs, on se sent emporté par les vents du large... Lorsque soudain une zone dépressionnaire nous saisit, nous enveloppe, nous secoue dans une terrible tempête, nous envoie dans l’œil d'un cyclone convulsif, pour nous laisser ensuite là, à moitié noyé, dans le calme plat étouffant de ce "pot-au-noir" étrange où nul souffle ne vient gonfler nos voiles qui faseyent et pendent lamentablement.

C'est là, dans ce lourd pot-au-noir, que j'ai dérivé et me retrouve engluée.

Les jours défilent, semblables au précédent et au suivant.

Rien ne semble bouger. 

Après m'avoir brisée par d'improbables douleurs dont les causes sont encore obscures, puis bourlinguée dans des tourbillons d'une violence inattendue, c'est un effrayant calme plat qui m'assomme maintenant.

 

Au dehors, il y a eu un vent fou d'une nuit qui a raflé les feuilles des arbres de notre colline dans des grondements et sifflements de locomotive à vapeur. 

 

Il y a eu aussi l'équinoxe et les marées, et puis l'éclipse de la lune qui a viré au rouge sang...

 

Personne ne parle de cette zone d'ombre, personne n'aborde ce qui se passe dans le temps de l' "après".

L'après des traitements. Quand tout semble enfin terminé.

 

Les spécialistes ont fait leur boulot. Ils ont traité le cancer. Donné des médications pour calmer les effets secondaires immédiats, sans pour autant les supprimer.

Ensuite ils nous ont dit "bonne route"... "Bonne continuation"...

C'est au généraliste alors de nous prendre sous son aile.

A lui de nous aider à nous dépêtrer de ce qui accable notre corps.

Ce corps que la chimiothérapie a empoisonné.

Ce corps dans lequel la chirurgie a taillé dans le vif : muscles, tendons, nerfs, peau, vaisseaux sanguins et canaux lymphatiques. Tout doit se reconstruire. Ce qu'ils appellent la "cicatrice" va continuer à travailler pendant des mois et des mois, jusqu'à se stabiliser dans un "à peu près", avec l'aide du kinésithérapeute.

Ce corps que la radiothérapie a ensuite fatigué et enflammé, et qui a racorni, rétracté et fibrosé cette cicatrice.

Ce corps et ces tissus qui maintenant doivent retrouver force, vitalité et souplesse... Mais n'y arrivent plus.

La chimie continue de tuer semble-t-il sans discernement et mon corps a abandonné.

 

Je dois me débarrasser coûte que coûte de ce manteau de nuit, de fatigue, de tensions, de poisons et de cellules mortes, qui m'étouffe, me brûle et me ronge du dedans.

Mais cette fois mon corps ne m'écoute plus. Il n'a plus la force.

 

J'ai cru sortir du pot-au-noir sur la crête d'une vague. Mais elle m'a ramenée à mon point de départ, comme ces barres au large de l'Afrique occidentale qui retournent parfois les barcasses ou les rabattent vers le rivage.

Sénégal, les Pêcheurs de St Louis franchissant la "barre" - photo Bernard & Catherine Desjeux
Sénégal, les Pêcheurs de St Louis franchissant la "barre" - photo Bernard & Catherine Desjeux

Docteur Garrigue ne met pas de nom sur la "maladie" qui me frappe.

En fait, il en met plusieurs : lumbago, lombalgie, luxation lombaire, contractures, spasmes ou douleurs myofasciales, pincements des nerfs, voire fractures... Et retient surtout désormais ces deux dernières possibilités.

Bol d'air®
Bol d'air®

 

Monsieur Arigatō semble en accord avec Docteur Garrigue bien qu'ils soient tous les deux très différents !

Depuis que je le vois, Monsieur Arigatō masse ma cicatrice certes, mais aussi des "points" sensibles et invisibles de mon dos, épaule, omoplate, thorax...

 

Energie, magnétisme, "Chi"... 

 

Il utilise ses mains et différents appareils dont je ne saurais affirmer l'efficacité, vu l'état où je me trouve... (laser, "mil-thérapie", appelée aussi "led-thérapie"... sans oublier le "bol d'air®" aux essences de résine de pin, de temps à autres, pour que s'ouvre ma cage thoracique à l'air du large et des forêts landaises).

 

Le 9 novembre, j'ai enfin pu prendre et conduire la voiture pour me rendre à son cabinet !

Cela faisait plus d'un mois que je ne sortais plus, hormis de timides petits tours de colline que ces douleurs incessantes qui ont fini malgré tout par régresser un peu, m'ont permis d'effectuer ces derniers jours....

Mountain Landscape with Bridge by Odake Chikuha, 1878-1936 尾竹竹坡 Japan
Mountain Landscape with Bridge by Odake Chikuha, 1878-1936 尾竹竹坡 Japan

 

Mille précautions, et beaucoup de craintes !

 

J'ai roulé à la vitesse maximale de 50 km/h pour éviter les secousses : il est vrai que nos routes sont cabossées et qu'il faut parfois se pousser sur le bas-côté pour laisser passer un autre véhicule. Heureusement je n'ai croisé personne ou presque.

 

Monsieur Arigatō a paru content de me revoir. 

Moi j'étais contente que ce "Pot-au-Noir" me lâche enfin (du moins je l'espère) et laisse les alizés m' emporter doucement...  

 

Ce matin du 11 novembre 2015, je ne suis pourtant pas allée à la Commémoration de l'Armistice : un feutre de brume blanche engourdissait et mouillait la campagne. Je suis restée dans le chaud de notre petite maison.

 

Et de toute façon, je ne peux pas rester debout sans bouger. Surtout pour écouter les discours à la fois pompeux et bâclés du Père UBU à l'écharpe tricolore.

Et je n'ai pas non plus envie de le saluer, ni d'admirer ses ubuesques travaux "d'embellissement" du village...

 

A midi la brume s'est appesantie dans la vallée, libérant ainsi les sommets des collines qui ont émergé de cette mer laiteuse, telles des îles suspendues.

 

Mais aujourd'hui, 12 novembre, la brume a de nouveau tout envahi et il fait froid et humide. Alors j'épluche Internet à la recherche de cadeaux de Noël pour Fleur et Lou... Et ce dernier coupe du bois pour le poêle et le range sous le préau, en prévision des froidures prochaines. 

 

Mon petit érable a perdu beaucoup de feuilles mais est devenu tout rouge ! Il fait belle figure au milieu des lancettes vertes et pointues des iris.

L'érable du Japon !
L'érable du Japon !

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Le stress et les douleurs myofasciales
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Le Syndrôme Myofacial Douloureux (ou MSD)
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