Ultime Péage

Les Guêpes

Depuis cet été, les guêpes ont envahi notre maison. 

 

Il faut croire qu'elles ont trouvé sous les tuiles de notre toit des abris confortables et de quoi se construire des nids.

Ou peut-être même un très gros nid !

Elles peuvent aussi avoir construit leurs alvéoles dans des pots de fleurs abandonnées, ou des interstices qui les ont protégées de la pluie et du vent...

Nous ne savons pas.

Nous n'avons rien vu.

 

Toujours est-il qu'elles squattent sans vergogne et en toute tranquillité, mais à notre grand dam, toute la maison.

Des dizaines entrent chaque jour, par la cheminée ou la porte ou quelques ouvertures invisibles pour nous, et après avoir tourné un peu dans la cuisine ou dans les chambres, elles se retrouvent coincées sur les vitres des fenêtres et fenestrous.

Commence alors pour elles un interminable ballet. Jusqu'à ce que nous intervenions.

 

Nous les laissons se fatiguer un peu, avant d'ouvrir les battants pour les faire sortir. Sinon elles se sentent menacées et repartent dans un vol énergique, dans toute la maison.

Dès que la fenêtre est ouverte, elles sentent rapidement l'air du dehors et ne s'éternisent pas.

En général.

Mais pas toujours : certaines s'énervent encore et repartent dans la pièce avant de revenir patiner sur la vitre.

D'autres semblent insensibles à l'air frais de l'extérieur et s'obstinent à ne pas voir l'ouverture et la possibilité pour elles de s'échapper du piège où elles sont. Pire elles agitent leurs ailes frénétiquement et s'éloignent de leur salut en allant dans la direction opposée !

 

Devant cette invasion, nous restons calmes. Il le faut si nous ne voulons pas être piqués.

Mais cela fait bientôt 6 mois que cela dure.

Comme pour Karkinos, il faut prendre son mal en patience... Le temps joue en notre faveur, comme c'est souvent le cas, lorsqu’un problème se présente.

"Patience et longueur de temps. 

Font plus que force ni que rage." (J. de la Fontaine - Le Lion et le Rat)

 

Nous les incitons à partir en leur parlant.

Comprennent-elles ? J'en doute même si parfois nous avons l'impression d'être entendus.

Nous agitons doucement les mains ou une feuille de papier, ou un torchon, afin de les guider, l'air de rien,  vers l'entrebâillement de la fenêtre que nous leur proposons.

La plupart sont très dociles et se laissent faire.

 

Beaucoup cependant s'épuisent très vite, surtout en cette fin d'automne qui est aussi la signature de la fin de leur vie.

Elles tombent alors au sol, sur le carrelage, et se traînent ou tournent en rond, n'arrivent plus à prendre leur envol, n'émettant plus qu'un léger bourdonnement, plus grave, un ton en-dessous.

Parfois elles sont même complètement silencieuses et passent inaperçues.

C'est même ainsi qu'hier, alors que je nettoyais la table après le repas de midi, l'une d'elle a grimpé sur ma pantoufle, sans que je m'en aperçoive, puis s'est retrouvée empêtrée entre la languette de feutre et ma chaussette et s'est sentie agressée.

Et bien sûr, dans la panique, elle m'a piqué le pied, le dessus du pied !

La brûlure fulgurante a eu au moins un avantage : elle m'a fait oublier tout un temps mes autres douleurs.

Elle les a peut-être même soulagées comme une bonne piqûre d'acupuncture !


J'ai eu une belle bosse bien rouge, bien gonflée sur le cou-de-pied, ce qui a occasionné quelques difficultés à me chausser... pour aller à ma séance chez M Arigatō !

Ce matin, il ne restait plus qu'une forte démangeaison et mes bobos se sont fait de nouveau bien sentir.

 


Une fois au sol, chargées de poussières et de fatigue, les guêpes meurent ainsi de leur propre mort.

Mais parfois aussi nous les écrasons rapidement mettant ainsi un terme à cette dernière et pénible marche. 

 

D'autres encore atterrissent sur la table, dans un carré de soleil, et roulent sans force, et comme complètement ivres, jusque sous notre assiette ou dans notre verre, quand ce n'est pas sur une boîte d'un de mes médicaments...

Là encore nous attendons un peu, car parfois elles repartent s'agglutiner sur le carreau d'où nous leur offrons la possibilité de s'envoler vers un ultime rayon de soleil.

Mais le plus souvent elles n'ont plus le sens de l'équilibre ni de l'orientation et nous mettons un terme à cette dernière balade.

 

Cela me navre d'écraser autant de ces petites bestioles. Même si je sais qu’elles sont en fin de vie. Que ce n'est qu'une question de minutes ou d'heures.

Est-ce ainsi qu'il en sera pour nous à l'heure de notre mort ? Allons-nous nous éteindre doucement ou écrasés par un rapide coup de savate "cosmique" que nous n'aurons pas le temps de voir venir ? 

 

Lou et moi sommes contents lorsque nous leur ouvrons la fenêtre vers leur liberté. Et qu'elles prennent cette liberté !

 

Hier matin Lou a allumé le poêle à bois pour la première fois. Il faisait 0° dehors.

Dès que la chaleur s'est répandue dans la maison ce sont des armées de guêpes en effervescence qui sont arrivées par la cheminée ! Plus nous en faisions sortir plus il y en avait !

J'ai l'impression que nous avons passé la journée à les chasser ou à les écraser.

Ce ballet incessant s'est quand même calmé, sans toutefois cesser complètement, lorsque le soleil a déserté la façade de la maisonnette et la colline, quand les ombres violettes ont jeté les premiers frissons de la nuit.

Demain, il en viendra d'autres encore.

Sûrement.

"Nineteen ninety two is not a year I shall look back on with undiluted pleasure. It has turned out to be an "annus horribilis"....
"Nineteen ninety two is not a year I shall look back on with undiluted pleasure. It has turned out to be an "annus horribilis"....

Normalement les guêpes meurent avec les première gelées : ouvrières et reine ne subsistent pas au froid et à l'hiver.

 

Seules les jeunes reines, déjà fécondées et parties du nid vont hiberner avant de fonder un  nouveau nid et une nouvelle colonie qui se développera tout l'été jusqu'à compter plusieurs milliers de guêpes !

 

Alors que s'est-il passé cette année ?

 

La température est douce, trop douce, cet automne et "nos" petits insectes en tenue de bagnard, dont nous nous passerions bien volontiers, sont encore en vie.

En fin de vie, mais en vie.

 

D'ailleurs nos romarins sont encore couverts de fleurs et les "butineurs" sont de sortie dès qu'un rayon de soleil réchauffe la température.

 

Étrange année que ce 2015.


"Annus horribilis" comme disait la Reine Elizabeth en 1992 alors que le sort semblait s'acharner sur la famille royale.



Contrairement à une idée reçue, les nids de guêpe abandonnés en fin de saison ne sont jamais ré-habités au printemps suivant. Il arrive que des guêpes construisent de nouveaux nids sur le même emplacement, mais elles ne vont jamais réoccuper le nid présent.


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