MARIE EN MAI

Le 5 mai, Fleur a repris le train en sens inverse. Bien sûr, il y a un "incident" avec un TER, et son TGV a donc pris un retard conséquent qu'il n'a pas rattrapé chemin faisant. La routine de la SNCF... et la conséquence d'un réseau de moins en moins bien entretenu ?

 

Le 6 mai, l'infirmière "Brienne de Torth" est revenue pour prélever un peu de mon sang, tout en douceur et bonne humeur.


L'hémoglobine continue à baisser mais "c'est normal" et tout le reste va bien. A part mon foie qui accuse le coup et fait monter en flèche le taux des Gamma GT. Heureusement celui des transaminases est resté correct. Tout n'est pas perdu.


Le même jour Fleur s'envolait pour un mini séjour dans le sud de l'Italie, sur la côte Amalfitaine,

 

Elle découvrait, d'abord, l'immense piscine, déserte (c'est "hors saison"), de son hôtel.

 

Puis la pinède toute en longueur entre la route et la mer et l'interminable plage (publique) déserte de sable fin (et ciel voilé de la fin d'après-midi)

 

Promenade, air marin et détente... avant de terminer la journée par un repas pour le moins original : soupe d’artichaut, fèves et pois, et tiramisu.


Puis le lendemain, elle partait à l'aventure, pour une randonnée de 6 km (au moins, à cause des tours et détours pour éviter la route décidément dangereuse et trop mal fréquentée) sous le soleil, dont elle rapportait un souvenir rouge cuisant, direction le site archéologique grec de Paestum, ses temples antiques classiques aux massives colonnes doriques (retour le soir en taxi).

Site archéologique de Paestum
Site archéologique de Paestum

Et enfin, une journée chargée en transports et en émotion : taxi jusqu'à la gare la plus proche, puis train jusqu'à Salerne (Salerno) puis bus acrobatique sur d'étroites routes sinueuses et improbables à flanc de falaises (1 heure 20 pour faire...23 km) pour aller se glisser avec délice dans le patchwork baroque, d'ocres et de blanc d'Amalfi, le but de ce périple, village accroché à la roche au-dessus du bleu de la Méditerranée, le dédale de ses ruelles en escaliers blancs qui grimpent jusqu'au ciel et ses jardins suspendus de citronniers...

La côte Amalfitaine (classée au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1997)
La côte Amalfitaine (classée au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1997)
Amalfi
Amalfi
Amalfi : Venelles et volée d'escaliers
Amalfi : Venelles et volée d'escaliers
Amalfi : façades, citrons (à Limoncello) et ail...
Amalfi : façades, citrons (à Limoncello) et ail...
Lever de soleil sur le Vésuve
Lever de soleil sur le Vésuve

 

Mais elle découvrait aussi, et, inévitablement, la lourdeur des italiens du Sud, mâles et machos, seuls, et au volant, pour lesquels une fille ou une femme seule, signifie forcément... une "proie" ! Harcèlement de rue et sexisme, encore et toujours...

 

Ainsi, au fil de ses courriels nous avons partagé les heures et les péripéties de son voyage, par écrans interposés, grâce à ses sensations retranscrites sur le vif.

 

Une petite escapade qui fut salutaire pour elle... et.. le fut aussi pour moi, dans ces quelques heures d’attente anxieuse et de tranquillité relative, qui précèdent l'avant-dernière "cure", parenthèse paradoxale, tiraillée entre soulagement de me sentir presque bien et appréhension de ce que me réserve le cortège des effets piquants et brûlants du Phacochère Noir et de sa sinistre servante, la sorcière Yamanba !


 

Le 7 mai 2015 au matin, Lou et moi, reprenions donc le chemin de Cahors.

 

On nous annonce une belle journée, température douce et ciel bleu. Les derniers nuages blancs, en troupeaux, moutonnent vers l'est. 

 

Mais là-bas, dans le grand bâtiment qui nous attend, il faudra passer de la couleur et de la lumière, au gris et toutes ses nuances : ni blanc ni noir. L'entre-deux. Gris anthracite, gris acier, gris fumée, gris lavis, gris brouillard...

Pendant que Lou gare notre voiture, je flâne un peu dans le hall et les couloirs déserts.

Il est à peine huit heures du matin.

Avant de pénétrer dans le bâtiment neuf de l'hôpital je salue ce type, à l'âge incertain, toujours assis là, dans son fauteuil roulant, à la gauche de la porte automatique, dos au mur, et qui entretient inlassablement une relation fusionnelle et mortifère avec sa vieille compagne, la cigarette.

Il répond, toujours étonné, à mon salut par un timide et presque enfantin  "Bonjour madame".

Étonné que je le vois, lui qui se confond presque avec la grisaille des murs. Lui devant lequel tout le monde passe, repasse, entre ou sort, et qui reste pourtant invisible.

Hôpital de Cahors
Hôpital de Cahors
Hall d'entrée.
Hall d'entrée.

Ascenseur. Troisième étage. Pas un chat. Tout est calme. Abstrait, un peu.

Je ne pense à rien d'autre qu'à prendre des photos.

Je ne veux penser à rien d'autre.

Je viens là en touriste. Je ne reste pas. Je suis juste de passage.

 

Ici les quelques touches de jaune d'or du hall d'entrée ont définitivement disparu.

On entre dans le gris du sujet.

L'hôpital de jour, service oncologie, c'est, là-bas, tout au fond du couloir.

On y pressent une légère agitation matinale. Bruit de voix et de pas, cliquetis métalliques.

Avancer. Un pas, un autre. Repousser et rouler derrière soi la boule de l'angoisse

Je retrouve "ma" chambre. La 322.

Et je retrouve aussi Mamé Rose, la vieille dame toute gentille et fragile ! Je ne l'avais pas vue depuis la première fois.

Elle est encore accompagnée par sa voisine cette lotoise de poigne, un peu burinée par les travaux extérieurs, un peu masculine sans doute, mais une femme simple et qui est juste là pour que Mamé Rose ne soit pas seule !

Nous bavardons. Rions.

"Votre mari n'est pas avec vous ?

- Si, si, il est là : il est allé garer la voiture.

- Ah bon, dit-elle soulagée que je ne sois pas seule non plus."

 

Rapidement on vient nous prendre les "constantes" (température, tension, poids) et une fois ce devoir accompli on nous apporte, comme en récompense, un jus de fruit ou un thé ou un café. Et un biscuit.

Lou, en habitué, reçoit un jus de raisin.

 

Soudain la porte s'ouvre et livre passage à la grande, mince, et très pressée chef de service, le Dr G. Lagerbe en personne, et un acolyte que l'on me dira être le Dr Babou.

Notre oncologue en chef est un vrai coup de vent ! Il faut faire vite : elle n'a le temps de rien, même pas de lire les trois lignes du compte rendu de mes trois semaines sous le régime du Phacochère. "Je ne lis pas assène-t-elle, péremptoire, dites-moi !"

Lou en déduira en riant, et après son départ, qu'elle ne sait, sans doute, pas lire ce qui amusera beaucoup Mamé Rose qui n'aime décidément pas ce docteur si peu amène !

 

Puisqu'il faut dire, je dis, en tâchant d'être précise et concise. Que retient-elle ? Je ne sais pas. Elle a l'air ailleurs et son téléphone sonne déjà...

Elle s'enquiert rapidement de ce syndrome main-pied qui m'a tant handicapée.

C'est bien. J'ai fait ce qu'il fallait. On ne me propose donc rien d'autre. Je dois continuer à me tartiner plantes et paumes avec les crèmes et pommades prescrites. Ensuite ?

Je parle de l'aphte. Elle s'étonne du médicament que je signale (Triflucan ®) : "ce n'est pas pour les aphtes mais pour la mucite ! Qui vous a prescrit ça ?"...

Hum... C'est elle...

Et que je sache, les aphtes sont liés à la mucite de toute façon (cf. ci-dessous - FICHE INFO : les mucites) . Prévenir ou soigner l'une peut éviter l'autre...

Lâchement, et pour couper court, je réponds que... c'est le docteur malgache dont je ne me souviens pas du nom (Il a simplement renouvelé la prescription, c'est donc seulement un demi-mensonge).

"Pour les aphtes faites des bains de bouche avec de l'eau et de l'aspirine diluée."

Je note le conseil : c'est la première fois qu'on me le donne celui-ci !...

Et il s’avérera efficace ! Que ne me l'a-t-elle dit plus tôt ?

Pendant ce temps le Dr Babou tente de parler à Mamé Rose, dont il regarde les résultats d'analyse de sang, mais il est interrompu : le Dr G. Lagerbe s'adresse à lui, "on a programmé le rendez-vous avec le chirurgien, le Dr J. Neko."

C'est de moi qu'elle parle. De ma future opération.

Elle ajoute à mon intention "De quoi avez-vous besoin ?"  Je trouve du plus haut comique de devoir faire ma liste de courses médicamenteuse moi-même !

Je lui soumets donc ma petite liste. "Très bien c'est parfait."

Ce qui ne l'empêchera pas d'oublier au moins deux médicaments et la sacro-sainte analyse de sang !...

Qu'à cela ne tienne les B. B. et le Dr Babou devront palier à cet oubli, car le Dr G. Lagerbe, déjà attendue en consultation, est repartie..

Elle ne s'est pas adressée à Mamé Rose, ne l'a pas regardée. 

Mamé Rose n'est pas contente. Pas contente du tout ! J'ai de la peine pour elle. J'ai un peu trop monopolisé l'attention du chef. Mais comment faire ?

Mamé Rose aimerait savoir où elle en est et si l'on va lui infliger longtemps ces séances de chimiothérapie dont elle se demande bien si "ça lui fait quelque chose". Elle aime savoir ce qu'on lui fait et on ne lui dit pas ! Tout ce qu'elle obtient c'est un "vous ne buvez pas assez !"

En plus elle a mal aux mains et aux ongles.

On en parle à la prochaine B.B. qui entre.

Celle-ci lui indiquera une crème et lui apportera du vernis à passer sur les ongles.

Maigre médication... Cache-misère. 

Avec tout ça l'heure des choses sérieuses est venue !

On vient nous "piquer". Dis comme ça, on pense à deux vieux chiens galeux qu'on va euthanasier ! Mais c'est le terme utilisé.

 

Une fois que la "punaise" (une aiguille de Huber) a traversé la peau et la fine membrane en silicone du Port-à-Cath, que les vérifications d'usage sont faites (afin d'éviter tout risque d'extravasation = épanchement de produit injecté en dehors de la chambre avec diffusion dans les tissus péri-vasculaires) et qu'elle est protégée sous le dôme du pansement translucide, je m'endors quasi instantanément pendant quelques minutes... sans aide sophrologique... !

Lou dira "elle termine sa nuit" !

Cet intermède calme sera de courte durée !

Voici B.B. Marion, tout sourire qui vient me mettre les bracelets réfrigérants.

Du bricolage je trouve ! Un sac de gel glacé autour des poignets maintenu par du ruban adhésif auquel j'ajoute une invention à moi, des filets qui servent à protéger les bouteilles lors d'un envoi, (on n'habite pas en terroir Vin de Cahors AOC pour rien !) et qui sont sensés maintenir, ici, tout le bazar, en place. Tant bien que mal.

J'ai l'impression d'avoir des haltères souples aux poignets ! 

Pourquoi le service oncologie de Cahors ne peut-il pas se payer de vraies moufles réfrigérantes ? Sont-elles jugées inefficaces ?

Et à mes pieds, B.B. Marion, avec l'aide de Lou, fixe, en réemploi, des... casques réfrigérants (très lourds) que le service n'utilise plus vu leur quasi inefficience à éviter la chute des cheveux, et les maux de tête qui résultent de leur pose.

Je ne peux plus bouger ni pieds ni pattes !

 

Je ris (jaune) en testant mes "haltères" façon salle de sport.

Mais j'ai peur.

Je doute que cela suffise à remporter la bataille des "bogues de châtaigne" !

Je repars avec ma pile d'ordonnances, un rendez-vous le 21 mai avec le Dr J. Nelo pour causer mastectomie.

J'embrasse Mamé Rose : je ne la verrai plus, ses séances sont tous les 28 jours, et moi je reviens dans 3 semaines pour la dernière cure.


FICHE INFO - Les mucites

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