MARIE EN MAI

Avant la dernière attaque du Phacochère noir contre les pinces du Crabe Karkinos, et avant la porte de sortie de son territoire de feu, je m'octroie quelques petits moments de calme et de plaisir.

Mai aura été frais cette année. Plus frais qu'avril et mars. Lou n'en finit pas de faucher les grandes herbes déjà trop hautes.

Le vert tendre a déjà fait place au vert plus sombre, plus bleuté de l'été. Les graminées apportent leur lot de pollen, les grandes marguerites et les coquelicots fleurissent dans les friches..

Dimanche 24 mai, le temps n'est pas encore au beau et il fait bien frais sous les gros nuages !

Vers le nord ils sont gris ardoise, menaçants et lourds, mais au-dessus de la colline et de la vallée ce sont de gros paquets cotonneux, blancs et moussus, qu'un vent léger repousse parfois jusqu'à l'orée des collines de Dordogne, pour laisser place à de grands espaces vagues, bleus et ensoleillés.

Un ami nous a invités au restaurant : il sait que mes papilles commencent à retrouver un peu de goût et de saveur aux choses, même si tout me laisse encore l'empreinte d'un goût amer.

Je suis tellement contente de sortir, de retrouver la couleur de la vie !

Et j'adore ce restaurant-atelier, parfaitement atypique, inventé et créé par des anglais, juste en bas de notre colline, sa grande cour fermée d'ancien domaine viticole, presqu'intact, les fleurs immenses de ses grands parasols blancs, ses vieilles pierres et ses volées de tuiles roses et brunes, ses dépendances, hangars et remises, et sous le préau où nous nous installons, les chaises de jardin autour des lourdes tables "Napoléon 3" aux angles arrondies, poncées et brutes, avec leur petit bouquet champêtre.

On s'y sent bien.

La carte est alléchante, toute en produits frais et palette de saveurs allant de la Méditerranée jusqu'à l'Asie ! Tout ce que j'aime !  

Je suis gâtée !

Les garçons prennent une terrine de canard aux saveurs chinoises d'agrume, agrémentée d'une petite salade croquante servie sur un plateau de bois brut.

Et moi j'ai opté pour une tartine d'un bon gros pain de campagne grillée avec du fromage de chèvre et de dés de légumes à peine sautés et croustillants, le tout servi avec une sauce aux oignons confits... Un délice... qui m'ouvre l'appétit !

J'ai soudain faim ! Très faim ! 

Notre ami, amateur de viande de bœuf trouve son bonheur dans une entrecôte "bleue", Lou avec un dos de thon grillé juste ce qu'il faut, accompagné de légumes.

Quant à moi c'est vers un carré d’agneau rosé et ses légumes frais de saison accompagné d'une portion de gratin dauphinois que mon choix s'est porté.

Les desserts sont tout aussi intéressants... et faits maison !

Pour moi ce sera un crumble de pommes et poires avec une boule de crème glacée aux fruit rouges, et les garçons auront une crème brûlée Earl Grey... servie dans une tasse ancienne en porcelaine.

Il faut dire que leur comptoir "pâtissier" est une vraie petite merveille !!!

Plus que deux jours...

Le 26 mai Lou revient d'un vide-grenier en suivant les chemins buissonniers et rapporte un trésor ! Des cerises et des fraises !

Bigarreaux rebondis, brillants, presque noirs de parfum et de jus, et petites fraises dont regorge le jardin d'un ami qui a fait appel à Lou pour le délester quelque peu.

Quoi de mieux pour ne plus penser à ce qui m'attend, aux couloirs gris, aux odeurs d'hôpitaux que de cuire des confitures !

C'est ce parfum de l'enfance retrouvée, cet arôme de coquelicot écrasé à la fois doux, épicé et acidulé, qui accueillera "mon" infirmière attitrée, Brienne de Torth, le lendemain matin pour la prise de sang, et la rendra souriante et douce... comme un pétale d'églantine !...